vendredi 27 décembre 2013

Leçon



Trop de fois d’un korrigan tu t’es effrayé

Ou d’un bosquet qui frémit dans le vent de la nuit.

De ces sursauts qui déployés dans ton sang

Muent en stupeur indépassable, au plus proche

De la peur face au diable (un enfant noyé,

Une poupée balafrée qui se tourne vers toi,

Un vieillard suintant qui gratte à la porte)

Mais le vent n’est que vent et la nuit sans doute

N’est pas plus que l’envers du jour. Nulle éloquence

Dans les croassements à la pleine lune,

Les coups de bec des piverts après l’enterrement,

Les éclairs frappant le premier soir d’hiver,

Les truites échouées au lendemain sur le rivage,

Les commémorations de la guerre.

Nous seuls avons la gorge! A l’univers qui s’étend

Plus que les milliards de bras d’hommes

Nous dressons le majeur, ironisant ce ciel

Qui nous couvre et n’a lucidité de rien.

Oui, je te veux serein, rassuré face à l’air qui tremble,

Inconséquent devant la nuit qui pleut.

Souviens-toi ardemment que les hommes comprennent,

Qu’ils ont saisi le précaire et l’insolence,

La plume en or, à hauteur d’irrévérence

Et persistants à nier les loups-garous, les spectres,

Les revenants mécontents de leur au-delà,

Les esprits violacés qui rampent dans la maison.

Balaie l’horreur vide, amplifiée d’un bois qui travaille,

D’un vent sifflant dans le jardin

(Car siffler, souffler, s’engouffrer sont les lois du vent)

Ou d’une ombre évoquant le diable.

Dis-toi sans cesse ainsi qu’on égrène éternité,

Que notre œil (œil ou coeur) est ample,

Qu’il va plus loin que l’horizon, à fouiller l’infini,

Chercher le plafond du ciel, déceler le circonscrit

Qui réconforterait nos destins, le rivet qui assigne

Un final, un «pas plus» dans sa pureté.

Souviens-toi qu’on est insatisfait, que le réel,

Malgré ses milliers de couleurs, entre anthracite

D’automne avoisiné de givre, orange azimuté

Du crépuscule en plein été, noir du vrai noir d’hiver,

Quand nul homme, ivre ou austère, amusé ou amer,

Nargue la saison du plomb; souviens-toi

Que ta croyance édictée, éduquée, érigée

En pilier intérieur, s’ouvre à cent milliards d’éoles.

Pas de mors à ton âme, aucun commandement,

Aucun professeur qui t’enseigne une indiscutable

Vérité, aucune allégeance aux spirites.

Laisse en toi venir un monde immense, affiliant les souffles

Et les porosités criardes des roches,

Dans ta sobriété de terrien

Qui entend le cri perforateur du réel.