« Quittons cette route et prenons celle sur la gauche,
Moins large puis un sentier s’ouvre comme une zébrure,
Fie-toi à moi, juste quelques pas entre les herbes
Et nous voici devant le plus vieil arbre de la forêt :
Planté vers 1370,
sa naissance si lointaine
Que les ancêtres de nos ancêtres ne l’ont pas vu.
Autrefois, il se contemplait comme un monument,
Des promeneurs venaient ici en pèlerins.
- Il s’étend plus haut que les chênes alentour
Et ressemble à une cheminée de neige jaune.
- Des couleurs devant ce tronc qui n’a plus d’écorce ?
Au mieux la blancheur d’une cire pétrifiée.
- Il occupe nos yeux (tu l’admets ?) et nos mains
En s’y posant touchent la mémoire de la terre.
- Comme passer la paume sur un corps figé dans son
sang :
La sève ne coule plus à travers le bois.
- Ses branches ont le désir des bras priant
Vers un ciel qui exauce ou exaucera.
- Avec ou sans vent elles casseront bientôt
Et tomberont du fracas précédant la fin des bruits.
- Écoutons dans le passé bruire son feuillage
Où la lumière scintille en douce captive.
- Seule ta rêverie s’arrache au silence.
Entends-tu déclaré mort
depuis 1994 ?
- Les hommes se trompent dans leurs mots quand ils parlent
De la vie qui se prolonge immobile,
Dressée depuis ses racines jusqu’au sommet
Et face à elle, avec ta voix de constat,
De chiffres exacts, c’est toi le plus tari. »