dimanche 16 janvier 2022

Dans Fontainebleau

 

« Quittons cette route et prenons celle sur la gauche,

Moins large puis un sentier s’ouvre comme une zébrure,

Fie-toi à moi, juste quelques pas entre les herbes

Et nous voici devant le plus vieil arbre de la forêt :

Planté vers 1370, sa naissance si lointaine

Que les ancêtres de nos ancêtres ne l’ont pas vu.

Autrefois, il se contemplait comme un monument,

Des promeneurs venaient ici en pèlerins.

- Il s’étend plus haut que les chênes alentour

Et ressemble à une cheminée de neige jaune.

- Des couleurs devant ce tronc qui n’a plus d’écorce ?

Au mieux la blancheur d’une cire pétrifiée.

- Il occupe nos yeux (tu l’admets ?) et nos mains

En s’y posant touchent la mémoire de la terre.

- Comme passer la paume sur un corps figé dans son sang :

La sève ne coule plus à travers le bois.

- Ses branches ont le désir des bras priant

Vers un ciel qui exauce ou exaucera.

- Avec ou sans vent elles casseront bientôt

Et tomberont du fracas précédant la fin des bruits.

- Écoutons dans le passé bruire son feuillage

Où la lumière scintille en douce captive.

- Seule ta rêverie s’arrache au silence.

Entends-tu déclaré mort depuis 1994 ?

- Les hommes se trompent dans leurs mots quand ils parlent

De la vie qui se prolonge immobile,

Dressée depuis ses racines jusqu’au sommet

Et face à elle, avec ta voix de constat,

De chiffres exacts, c’est toi le plus tari. »