dimanche 18 septembre 2022

Entre-deux

                                                                                                 Pour Jacques Darras 

 

L’eau, à cet endroit du fleuve, se plisse 

Comme la ride que ferait l’huile dans une encre, 

Serpente en bouillonnant d’un mouvement 

Où la lumière du ciel lentement pénètre 

Et glisse sur les vagues. 

L’embouchure, oui, ce lieu de naissance 

Fait venir une gêne, presque un dégoût compliquant 

La promenade et laissant impuissant devant l’horizon 

Avec nos pieds qui n’iront pas plus loin : 

Voici une ligne où deux mondes se rassemblent 

Comme des voyageurs séparés une année, 

Cette union inconforte, parler d’une peur serait excessif, 

Sa mouvance n’effraie pas, je l’observe depuis la berge 

Sans que le cœur s’emballe 

Mais un malaise remplit. 

Parce qu’une frontière se dessine hors de la terre ? 

Serait-il aussi vif face à deux clartés qui se joignent ? 

Une façade apparaît en songe, percée de fenêtres 

Elle fait entrevoir une maison construite sur un terrain 

Qui ne bouge pas, localisable dans l’ombre ou sous un soleil brutal, 

Protectrice par son bâti en pierres de carrière. 

Face à l’onde qui remue, la vision rassure 

Et avec une résidence dans la tête je m’éloigne 

Pressé de tourner le dos à un paysage 

Qui ne promet aucun refuge avec paillasson 

Avant le seuil pour augurer d’une hospitalité.