Pour Jacques Darras
L’eau, à cet endroit du fleuve, se plisse
Comme la ride que ferait l’huile dans une encre,
Serpente en bouillonnant d’un mouvement
Où la lumière du ciel lentement pénètre
Et glisse sur les vagues.
L’embouchure, oui, ce lieu de naissance
Fait venir une gêne, presque un dégoût compliquant
La promenade et laissant impuissant devant l’horizon
Avec nos pieds qui n’iront pas plus loin :
Voici une ligne où deux mondes se rassemblent
Comme des voyageurs séparés une année,
Cette union inconforte, parler d’une peur serait excessif,
Sa mouvance n’effraie pas, je l’observe depuis la berge
Sans que le cœur s’emballe
Mais un malaise remplit.
Parce qu’une frontière se dessine hors de la terre ?
Serait-il aussi vif face à deux clartés qui se joignent ?
Une façade apparaît en songe, percée de fenêtres
Elle fait entrevoir une maison construite sur un terrain
Qui ne bouge pas, localisable dans l’ombre ou sous un soleil brutal,
Protectrice par son bâti en pierres de carrière.
Face à l’onde qui remue, la vision rassure
Et avec une résidence dans la tête je m’éloigne
Pressé de tourner le dos à un paysage
Qui ne promet aucun refuge avec paillasson
Avant le seuil pour augurer d’une hospitalité.