Ils étaient mariés
depuis près de trente ans quand une après-midi de printemps, Pablo déposa, sur
la table du salon, un carré de papier où d’une écriture ronde et large il avait
recopié le nom, le prénom et l’adresse de celui qui était le frère de sa femme,
un frère qu’elle n’avait jamais rencontré et dont elle ignorait jusqu’au
visage, né dans le secret, élevé dans le secret mais dont ses tantes,
autrefois, lui avaient laissé entrevoir que l’année de sa naissance, son père
s’était rendu deux fois à la maternité. Lui, éloquent sur sa carrière
d’officier de marine, il était, en contrepartie, resté taiseux sur ses
adultères et l’enfant que ses sœurs avaient désigné comme « le fruit de
l’ombre ».
Après l’avoir lu, Clara
fut embarrassée ; parce qu’en moins d’une semaine, son époux avait trouvé
la trace de quelqu’un dont elle soupçonnait l’existence depuis cinquante ans
sans avoir rien entrepris pour en apprendre davantage sur lui ; et parce
que là, tout de suite, à celui qui pendant un demi-siècle avait rampé en elle
comme un fantôme, elle pouvait écrire une lettre où, en quelques lignes, elle le
renseignerait qu’ils avaient le même géniteur.
Elle prit le papier, le
plia et le coinça sous la statuette d’ange placée à côté de la table, sur un
guéridon en verre bleu ; puis elle sortit dans le jardin, qu’elle arpenta
avec une espèce d’errance, en touchant le feuillage et l’écorce du bouleau.
Pablo, qui l’observait depuis la chambre, la vit remuer ses lèvres ; et bien
qu’il s’endorme depuis dix-mille nuits avec ce visage, il ne sut pas y lire :
que murmurait-elle ? Étaient-ce seulement des murmures ?
Elle s’assit au bout de
la haie de rondins qu’il avait fait construire l’année d’avant, pour éviter un
affaissement de la pente. Son regard lui parut si songeur qu’il y trouva une
béance. Il l’appela dans un chuchotement qui n’espère pas être entendu, tendit
le bras trop furtivement pour qu’elle l’aperçoive ; puis, comme fortifié
par le silence, il retourna au salon.
La table était vide, ce
qui ne le surprit pas, Clara ayant pour habitude de déplacer les objets qui lui
déplaisaient. En furetant, Pablo aperçut le papier, le tira de sous la
statuette et le serra dans son poing. Des images de son enfance
remontèrent : éduqué dans une famille diserte, il aperçut, comme un
vestige de songe, ses parents lui parler de ses ancêtres ; et il la rejoignit
dans le jardin : « Je ne souhaite pas » lui dit-elle. Elle se leva, marcha
jusqu’au rosier qui longeait le muret, à gauche de la marche menant dans la
cuisine ; elle ôta des pétales, coupa quelques tiges, arracha une fleur
qui ne flétrissait pas puis rentra.
Dans la lumière de la
fin d’après-midi, mal assis sur son rondin, Pablo fixa devant lui, triste de sa
maladresse.
Ses yeux s’embuèrent.
Quelques minutes passèrent où l’herbe du gazon, le feuillage des arbres et le
bourdonnement des insectes le remplirent comme un souffle. À son tour, il alla
au rosier, ramassa plusieurs pétales qu’il engloutit dans sa poche et mêla au
papier qu’elle lui avait rendu. Quand sa main ne distingua plus l’un de
l’autre, il le serra ; une attente commença pendant que le crépuscule
arrivait.
Le refus de Clara le
submergea : elle n’avait pas envie de savoir où son demi-frère vivait,
connaître son quotidien ni se retrouver face à un inconnu qui, peut-être, lui
ressemblait.
Le papier enroulé dans
les pétales faisait une boule : il la compressa, seul et immobile sous le
soleil qui déclinait.
Les larmes troublèrent
sa vue.
Quand les premières
ombres s’étendirent, il lança le tout par-dessus le muret.
Clara et lui n’en parlèrent plus.
Lucky Streak Mobile Casino - jtmhub.com
RépondreSupprimerWelcome to Lucky Streak 성남 출장안마 Mobile Casino - the #1 casino for Slots, Live 광양 출장안마 Games, and Table Games. 강릉 출장샵 ➤ Enjoy 1000+ Slots, Live Casino, 보령 출장마사지 and Table 하남 출장샵 Games on Your