Méran n’avait jamais vu la mer ni Paris ni Toulouse
Mais il savait tous les ciels de Chamonix.
«Il neigera avant midi» ou «éclaircie à l’aube»
Annonçait-il et il n’était jamais contredit.
Son regard était haut. Il ne se détournait pas des hommes,
Il fixait d’instinct les montagnes.
On voyait en Méran un silencieux
Mais il commentait les vents et les nuages
Avec poésie de science.
Ses amis n’étaient pas montagnards. Il menait pas intime
Et malgré l’immensité des jours et des nuits,
Malgré les montagnes qui, crocs d’horizon,
Se dressaient au-dessus de Chamonix,
Il avait affection pour ce vertige sauvage
Comme on caresserait le museau du diable.
Le Tacul, le Mont Maudit, le Mont Blanc
Lui semblaient blanc et doux pèlerinage;
Sur son rocher noir, le refuge des Mulets
Paraissait offrir l’hospitalité des nuages.
Les Jorasses, qui de tous faisaient la frayeur,
Etaient sa verticale merveilleuse,
Son à pic pur et glacial. Méran voyait une mer
Pierreuse et ridée dans le glacier de Chamonix;
Quant à Vallot, il s’attendrissait de ce refuge
Où s’amassaient tous ceux qui avaient renoncé.
Mais de frayeur nulle part. Il étudiait l’orage,
Les crevasses, les éboulis, les avalanches
Qui le laissaient attentif et scrupuleux.
Il savait les intensités de la pluie,
Les stries, les éclairs, les brillances de la neige,
L’obscurcissement du ciel et l’obscurité souterraine
Des trous, l’écoulement mystérieux de l’eau.
Dans cette nature il ne trouvait fureur, péril,
Aventure ni même une contemplation.
Il ne questionnait pas: «pourquoi le Mont Blanc?»
Ce n’était pas son miroir ni sa quête.
Aucun défi de grandeur ou de record
Et il méprisait les drapeaux plantés sur les sommets.
D’ailleurs, il ne gravissait pas: comme une pudeur
Le maintenait loin de ces montagnes
Qui prenaient tout son regard. Craignait-il, en s’approchant,
D’être enfin fasciné? De devenir ambitieux à leurs pieds?
Et s’inventant un destin d’alpiniste,
De ruer à la cime, assoiffé de la surmonter?
Sur les chemins ou autour des lacs,
Il ne saluait ni les randonneurs ni les gardes.
... peut -être Méran apprécierait-il la montagne filmée par les frères Larrieu :-)
RépondreSupprimerLola
Sourire partagé! Même si le cinéma des Larrieu ne me fait pas grimper au sommet de l'Everest...
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