Pour
Invader
Il posait la nuit des mosaïques.
Clandestin de l’art, il sortait à minuit
Quand un premier Paris s’endort, laissant règne aux ombres
Et la mutine intimité des rues.
Les murs l’attendaient. Comme une mer, la ville
Se dresse et défie; et nous avons soif de graver
(Pas de plus haut désir qu’écrire sur les vagues).
Il n’errait pas.
Son chemin était volonté
Et connaissance,
il savait Paris, le Paris des angles
Et des coins, des
étrécissements, des portails obscurs
Mais il voulait
un lieu qui frappe au regard, un soleil anonyme
Que les
contemplateurs crispés découvrent
Dans un morceau
de colonne ou sur un quai de train.
Il ne cherchait
personne. Au sein de tant de nuit,
A qui donner
rendez-vous? Les restaurants
Avaient fermé les
yeux et les bars bâillaient.
Pour tous venait
la fatigue; on rentrait.
La ville aussi
s’allongeait pour dormir
Et dans le ciel
se répandait le grand sommeil du Très Tard.
Ce soir-là, il
s’arrêta au pied d’un immeuble,
A quelques pas de
l’escalier montant rue des Artistes.
Ayant posé
l’échelle au mur, il s’y hissa.
Là, il enduisit
un petit pan de mur
(Maçonnerie
nocturne et diligente)
Puis il ficha,
minutieux et recte,
Des mosaïques
bleues, jaunes et argentées.
Il travailla
vite. Interdit d’ajourer
Les murs publics;
la police ignorait son art.
Elle rôdait, en
rondes de nuit idiotes
Que Rembrandt,
vif dans l’ombre et puissant, méprisait.
Mais la nuit fut
son mécène intime
Et il eut pour
spectateurs
Les adorateurs
tardifs et souverains.
Il créa
confidentiel et fulgurant.
Impossible
retouche, impossible rajout;
Les petits
carreaux de mosaïque étaient fixés,
Nouvelle et
discrète empreinte dans Paris.
L’oeuvre achevée,
il descendit puis s’en alla,
L’obscurité trop
forte pour observer:
Il reviendrait de
jour.
Au matin, quand
le soleil éclaira la ville,
On vit briller
sur la façade, au-dessus du portail,
Une grande
araignée pattes déployées.
Franchement, quand on voit ce qui se publie et se vend parfois à des millions d’exemplaires, on enrage de constater que des écrivains comme Gabriel Zimmermann restent aujourd’hui inconnus. D’accord, les textes ne sont pas toujours d’un abord facile, mais depuis quand la littérature se résume-t-elle à du prêt-à-lire tout public ? Il faut lire et relire les poèmes ou les récits de ce blog pour saisir leur singulière puissance évocatrice, il faut s’y plonger pour comprendre que nous avons affaire à un grand auteur, tout simplement. Non, rien de soporifique ici, et nous attendons le réveil de quelques éditeurs pour qu’ils publient enfin ce qui mérite de l’être…
RépondreSupprimerFrédéric Allouche
Merci à Frédéric pour ce message et ce soutien, qui me fait plaisir autant qu'il m'exalte à continuer d'écrire, vaille que vaille, lof pour lof! A ce signe d'encouragement je réponds à mon ami philosophe et marin que ces mots de lui me fortifient et me convainquent de la nécessité d'écrire un livre à quatre mains sur le sujet qu'il connaît....
SupprimerJ'adhère tout à fait à ce cri de Frédéric Allouch. Je trouve révoltant l'hypocrisie de certains éditeurs qui continuent à ignorer la vraie littérature; celle qui invite le lecteur à réfléchir au lieu de le maintenir en léthargie destructrice. Merci Gabriel pour ton verbe pertinent et pour on écriture poétique d'une évocation singulière. Tu as notre appui et notre attention!
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