1.
Se
taire est toujours préjudiciable.
2.
Le
plus souvent, on commente en jugeant. Rares sont ceux qui se contentent de
relater. La plupart d’entre nous ont le cœur commère. On raconte en y joignant
le sel de notre éthique.
3.
La
patience est une incertitude poussive travestie en sagesse.
4.
On
commente l’horreur davantage que la splendeur.
5.
Une
vie réussie n’est jamais pondérée. Pour flamboyer, il faut du feu. On ne
s’exalte pas avec un cœur placide.
6.
Certes,
il y a de la peur dans la parcimonie mais elle est avant tout une bêtise, une
inconséquence, une étroitesse hargneuse et affolée.
7.
Je
ne perçois qu’un bienfait dans la patience : elle nous familiarise avec
l’idée de la mort.
8.
Il
faut se malmener. À tout jamais sois pulsionnel.
9.
Déceler
l’hypocrisie est un sport. Plus vous l’aurez mise à nu, plus vous serez rapides
à la démasquer.
10.
Les
hypocrites soucieux, dans une BA humaniste, de gagner la faveur de ceux qui se
désintéressent de l’art, affirment que tout se vaut. Monstre du populisme. Goya
est à chérir, Duchamp est à conchier. Disons-le simplement.
11.
Les
philosophes qui ont écrit « l’étant est ce qui est, ne pouvant pas être le
non-être puisqu’il est ce qui n’est pas non-être et, par conséquent, ne peut
pas être la négativité de l’être car il est négativité de la négativité » ne
sont pas des philosophes.
12.
Croire
en la paix éternelle est plus estimable et fructueux que répéter les faillances
et les violences qui nous dévorent depuis que l’homme est l’homme.
13.
Le
seul hubris condamnable est l’hubris politique. Tous les autres
flirtent avec la ferveur, le courage et la splendeur.
14.
L’utopie
revient toujours. Elle est le luxe intermittent et indispensable du rêve.
15.
Fuyez
les gens qui ne s’indignent jamais.
16.
17.
Pas de demi-aveux : on
dit tout ou on ne dit rien. Tronquer, c’est tromper. Pas d’intimité rétractée
ni de confidence incomplète.
18.
Intemporalité
de La Boétie. À moins de cinq cents, nous prendrions possession de l’Élysée ;
peut-être même qu’une centaine d’hommes agiles et déterminés suffirait. Mais
quoi qu’on en dise, nous craignons le symbole. De là cette bizarre déférence
pour un palais qui abriterait, prétendument, le premier des Républicains mais
qui mène son quotidien à l’identique des rois du passé.
19.
Doutez
des gens qui parlent souvent au conditionnel mais méfiez-vous de ceux qui
parlent toujours au futur: « j’assainirai la Seine afin que tous les Parisiens
puissent s’y baigner », « quand je serai président de la République, je
mettrai un terme à la précarité », etc.
20.
Les
discours emphatiques piègent davantage ceux qui les écoutent que ceux qui les
tiennent.
21.
Crier
pour asseoir son autorité est toujours une défaite.
22.
On
est tous le ridicule de quelqu’un. Tu te moques de moi ? Ton voisin se gausse
de toi ; et mon voisin s’amuse de lui.
23.
Longtemps
après Vauvenargues, Nietzsche rédigea des Aphorismes,
qui sont cinglants mais vaniteux. Le vrai railleur est humble. Il dépeint le
ridicule universel en s’y associant et je me sais, moi dans l’automne
froidureux ou par beau temps, risible en ce que je fais et proclame. Il a, sans
bon sens préalable, compris que l’horreur est de compartimenter. Il ne dira pas
que les Russes ont leurs atavismes, que les Français sont ainsi, etc. Rien de
pire que les pseudo-sociologues qui érigent, sans prétendre ériger, des a priori nauséeux. Or, Nietzsche fut un
d’entre eux. Quand j’observe les hommes, je ne vois que des hommes. Des
couleurs de peau ? Des origines de par le monde ? Des tonalités vocales qui diffèrent
de celles qu’on a coutume d’entendre ? Des longues préparations culinaires
auxquelles on n’est pas habitué ? Les diversités m’intriguent autant quelles
m’indiffèrent. Le moraliste introduisant par « si tu es né à Naples...» ou «
les valeurs de l’Occident se heurtent à celles de l’Orient » sera mon ennemi
définitif. Tuer les milliards de consciences individuelles que nous sommes ?
Les discriminer d’emblée comme si la différenciation était la plus précieuse
des vigilances ? Pas pour moi.
24.
La
démagogie, c’est l’imprécision.
25.
Vivre,
c’est dissembler.