mardi 12 mars 2013

Le hérisson


                                                               

A l’entrée du champ, le hérisson. Farouche

D’y entrer et reniflant l’herbe.

Pressentant présence, il n’avançait;

Ne voyant personne, il s’agitait.

Il dansait (si les hérissons dansent)

Mais sa danse était brusque et sa scène étroite.

Dès qu’il approchait du champ, il reculait.

De là une étrange errance

Qui le faisait tourner autour de quelques herbes

(Avec son museau traçait-il un cercle?)

Or, il s’affairait trop pour se divertir:

La peur animale est sœur des peurs humaines.

A rester hors du champ, il nous ressemblait

Quand nous tardons sur le seuil; et il tournait.

Pour menace un champ, pour refuge une touffe:

On s’abrite aussi dans des lieux infimes.

Mais il était dehors où seuls les morts se figent.

A petits flairs, le hérisson s’approcha

Et soudain, il fut dans le champ.

Le jour grandissait. Le ciel brillait d’un éclat

Qui annonçait un après-midi de canicule

(Introduction au soleil terrible).

Dans cette clarté, le champ était un à peu près de clairière,

Passage entre la forêt profonde et un chemin

Que les randonneurs prenaient pour monter au col.

Le hérisson venait de la forêt. Pas de meilleur lieu

Pour la nuit où, sur un lit de mousse, il avait dormi

D’un vif sommeil qui l’avait fait rêver.

Mais ce matin, après la peur, il flairait dans le champ

Eclairé d’un soleil dont la lumière

Semblait mêlée à une eau de glacier.

Il ne tournait plus, il avançait. Rond, compact et court,

Il avait affinité avec l’humus:

Les hérissons sont enfants farouches

De la terre; à l’opposé, les corbeaux qui atteignent

Le Mont Blanc; et tant de faune à l’entre-deux.

Il arriva au milieu du champ et dans un creux

Où la rosée (douce et fine pluie du silence)

Etait tombée, il se délecta.

Il n’avait pas soif mais il but heureux

Et ses noirs petits yeux ronds brillèrent.

A cet instant, venant de la route et entrant dans le champ,
 
Un tracteur l’écrasa.





1 commentaire:

  1. Pauvre petit hérisson dont tu nous fais savourer un instant de vie. A l'orée d'un bois sombre, esquissant une danse, inquiet, avançant dans l'humus et la lumière et au comble du plaisir... Oh non ! Stupeur. Mais fin tragi-comique car tu te joues de nous !
    L.

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