vendredi 23 mai 2014

La fin du monde, entre autres


 

Savez-vous quand cette phrase fut écrite ? En 1422, par le mage Sorafinus, suite à une vision qu’il eut dans la nuit du 19 octobre, après avoir mangé une racine de mandragore trempée dans du lait de chèvre. Non, c’est moi qui l’ai inventée, pour vous amuser. Les prophéties sont fascinantes. Qu’on y croie ou pas, qu’on considère Nostradamus ou Blavatsky comme des imposteurs ou des surhommes, elles possèdent une force mystérieuse. Elles divertissent en même temps qu’elles émerveillent. Et les récits de fin du monde ont la même puissance. Imaginons-la. Vous êtes dehors, en train de marcher, et soudain le ciel s’assombrit. Il s’assombrit trop vite pour que ce soit la nuit. Le soir tombe dans un flottement ; or, là, le ciel noircit d’un seul coup, comme des corolles immenses de charbon s’y répandent, dans un bruit lointain, qui ne résonne pas mais qui gronde et grandit. Vous n’avez pas encore peur, c’est l’étonnement qui vous prend, vous fixez le ciel et vous attendez. Vous attendez parce que vous pressentez quelque chose dans cet obscurcissement, quelque chose qui annonce un autre quelque chose et qui, immédiatement, vous transit. Le ciel a changé si rapidement que vous contemplez, passifs, silencieux et incrédules, trop surpris pour commenter ce qui se passe dans le ciel. Toute votre conscience est dans vos yeux. Vous n’êtes pas pétrifiés mais vous ne bougez pas ou à peine. Le noir du ciel se déplace, s’enfle, se déploie et en se déployant, il s’approche. Il a la forme d’un nuage hérissé mais plus il grandit, plus il se distord et peu à peu, il ne ressemble plus à rien. Il enfle encore et se répand dans le ciel comme du lait dans de l’eau mais il est gris. Si tout le ciel était noir, ce serait la nuit et la nuit, dans sa profonde obscurité, n’est pas effrayante. Or, là, il est d’un noir délavé, le blanc du jour s’y mêle mais malmené, comme mis en minorité dans l’immensité du ciel. Ce blanc qui d’habitude persiste jusqu’aux derniers instants du crépuscule est recouvert par cette nappe sombre et crénelée. Soudain, des éclairs la traversent, des éclairs plus larges que tous ceux que vous avez vus dans votre vie, même lors d’un orage au sommet d’une montagne. Et à cet instant, vous vous effrayerez : vous aurez conscience que jamais de tels éclairs n’ont jailli dans le ciel. De plus, ils ne feront aucun bruit. Ce silence mettra en vous des pensées de mort. Vous serez les témoins de quelque chose de si vaste, si puissant, si violent que vous n’aurez rien d’autre à croire. La mort du monde, vous direz-vous, voici les premiers signes de la mort du monde. Ce ciel strié d’éclairs silencieux vous fera sauter le cœur et cependant, vous resterez immobiles. Anéantis par la peur, vous assisterez à ce spectacle qui viendra tout détruire. Pas une fois vous ne douterez de ce que vous verrez. On ne doute jamais face aux terreurs les plus vives.





 
 

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